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Depuis le début du printemps 2024, la température moyenne des océans n’en finit plus de battre des records. Certaines études avancent un possible lien avec les nouvelles réglementations de la pollution du trafic maritime. Explications.
La température des océans à des niveaux records
Nous avons régulièrement traité le sujet depuis l’an dernier : la température moyenne à la surface des océans n’en finit plus de battre des records ! Depuis le printemps 2023, l’Atlantique-nord et le Pacifique-nord surchauffent. En ce début juin 2024, la donne est la même. On observe une spectaculaire anomalie chaude dans le nord du Pacifique, de l’est du Japon jusqu’au large de la côte ouest des États-Unis. L’anomalie Atlantique est encore plus remarquable de par son étendue, couvrant la quasi-totalité du bassin. Notons que la mer est aussi exceptionnellement chaude aux abords de la Scandinavie, suite au blocage anticyclonique et aux chaleurs records de mai.
Anomalie de température de l’eau de mer en surface au dimanche 2 juin 2024 – climatereanalyzer.org
Le cas de l’Atlantique-nord est particulièrement interpellant. Après avoir passé les 3/4 de l’année 2023 à établir de nouveaux records, la température de l’eau depuis le début de cette année 2024 ne cesse de battre les records établis l’an dernier, comme en témoigne la courbe rouge sur le graphique ci-dessous. En ce début juin 2024, la température moyenne de l’eau en surface est de 22,5°C en Atlantique-nord, un niveau qui n’avait encore jamais été atteint si tôt dans l’année (une semaine plus tôt que le record de 2023). La déviation par rapport à la normale des années 2023 et 2024 est spectaculaire.
Déviation par rapport à la normale de la température de l’eau de mer en Atlantique-nord – via Eliot Jacobson
Un lien avec la réduction de la pollution du trafic maritime ?
Au 1er janvier 2020, de nouvelles réglementations de l’Organisation maritime internationale sont entrées en vigueur, visant à réduire drastiquement la pollution au soufre causée par le trafic maritime. Comme le montre le graphique ci-dessous, la baisse des émissions fut brutale dès le début de l’année 2020 sur tous les bassins du monde. Les rejets d’oxydes de soufre ont ainsi chuté de plus de 80% ! Une bonne nouvelle pour l’environnement et la qualité de l’air. Sauf qu’il pourrait y avoir un revers de médaille. En effet, les oxydes de soufre agissent comme des aérosols réfléchissant une partie de la lumière du soleil. Avec 80% de soufre en moins dans l’atmosphère, il y a donc plus d’énergie solaire atteignant les basses couches de l’atmosphère, pouvant induire un réchauffement.
Total des émissions des oxydes de soufre (SOx) selon les différents bassins – via EEA
À ce titre, le GIEC considère qu’il y a des preuves solides indiquant un effet des aérosols sur le forçage radiatif ; autrement dit un effet refroidissant des oxydes de soufre dans l’atmosphère. D’ailleurs, de récentes études ont mis en évidence que la part de radiation solaire absorbée a considérablement augmenté depuis 2020 dans le nord de l’Atlantique et le nord du Pacifique, ce qui coïncide avec les zones où le trafic maritime est le plus fort et où – logiquement – les rejets de soufre étaient les plus importants. Dans les eaux de l’hémisphère sud, où le trafic maritime est moins dense, cette augmentation d’absorption de la radiation solaire est beaucoup plus négligeable.
Augmentation de l’absorption de la radiation solaire des océans et zones des rejets d’oxydes de soufre – via Nature
Une hypothèse qui fait débat
Il convient toutefois de mentionner que les études évoquées ci-dessus émettent des hypothèses mais qu’il n’existe aucun lien certain. D’ailleurs, le GIEC insiste sur les « incertitudes considérables » de ce lien de cause à effet. Ces dernières années, d’autres facteurs que la baisse des émissions de soufre sont susceptibles d’avoir joué un rôle dans cette augmentation de la température des océans : un phénomène El Niño de forte intensité, une baisse des concentrations en sable du Sahara au dessus des océans, une nette augmentation des aérosols issus des feux de forêts canadiens… Avec autant de variables à prendre en compte, il n’est donc pas possible de faire la moindre affirmation.
El Niño et d’autres facteurs pourraient aussi avoir leur part de responsabilité – NOAA